dimanche 8 février 2015

Review : Transmetropolitan - Année Trois (Urban Comics)

Je suis Spider


Oh la la ! J'en vois déjà qui se lèvent en criant au blasphème parce que j'ai touché à un symbole, que je n'ai pas été patriote et que la France on l'aime ou on la quitte. Si vraiment vous pensez ça et que ma phrase d'introduction vous a choqué, je vous conseille vivement de quitter ce site à l'instant parce que je ne faisais que m'échauffer et que ça risque de devenir bien pire avant de devenir bien mieux.


Hier soir, j'ai lu le troisième tome de Transmetropolitan sorti chez Urban Comics et autant dire que ma nuit fut courte tant ce comics a le don de mettre mon cerveau en ébullition. J'ai utilisé très souvent - trop souvent - le terme de "meilleur comics du monde" pour parler de ce que je reviewais, mais là... On est indubitablement en face du meilleur comics du monde. Du moins, je pense que c'est avec celui-ci que le scénariste Warren Ellis a réussi à faire passer le plus de ses idées personnelles.

Il est 4 heures du matin... 4h12 pour être précis. On va voir ce que j'ai dans les tripes.


Juste un mot sur les dessins parce qu'on va s'en foutre royalement dans cet article : ils sont beaux... Darrick Robertson... The Boys... coup de crayon caractéristique et violent.... sublimation du héros...


Jeté dans les rues de la Ville - aussi anonyme qu'elle est représentative d'à peu près toutes les mégalopoles - dans un futur incertain - qui en 99 est toujours d'actualité en 2015 - , le journaliste Spider Jerusalem doit cette fois-ci faire face à des exactions policières, à la censure et à un Président des Etats-Unis qui rêve de le voir mort quand il se masturbe dans le drapeau américain. Pourtant rien n'y personne ne fera taire le journaliste. Il va continuer à vous planter le cran d'arrêt de la Vérité et la Libre Pensée entre les côtes, va élargir la plaie à coups de dents de l'Intégrité et va pisser l'urine de la Liberté d'Expression sur la plaie béante.

C'est vulgaire ? Le volume l'est sans doute. On vous parle d'un grand-père bourré qui balance sa femme dans une benne, c'est déjà assez sordide sans qu'en plus on vous dise que cette benne est remplie de capotes usagées... Certes, mais vous n'avez pas envie de jurer comme un charretier quand vous êtes à une hypocrisie consensuelle ? Vous n'imaginez les supplices les plus atroces et sadiques pour quelqu'un qui vous spolie délibérément de votre droit le plus inaliénable : le droit au respect ?
 
En parlant d'outrages... le fait que Yelena m'attire alors qu'elle n'est qu'une version féminine du héros devrait m'inquiéter ou pas ?
Nous sommes clairement dans la satire ici. Le monde dans lequel évolue Spider n'est rien d'autre qu'une extension du nôtre. Les gens sont abrutis par une télévision qui les suit jusque dans la rue, n'importe qui et n'importe quoi peut devenir l'objet d'un culte hystérique et surtout... les journalistes ne font pas leur boulot.


J'ai toujours pensé que les gens qui - comme moi, ce n'est pas de la vantardise ou de l'orgueil mal placé, c'est juste un fait - ont une facilité avec les mots ont reçu un don : celui d'aider les gens à ouvrir les yeux. Regardez ce que notre monde moderne a fait de ce don. Cyril Hanouna vous dit tous les soirs ce qu'il faut regarder ou pas à la télévision. Ses chroniqueurs ont abandonné toute fierté et intégrité journalistique pour devenir de pitoyables pantins occupés à pomper le postérieur du premier présentateur en promo qui passe (et vous pouvez compléter cette magnifique allitération en P en y ajoutant des "Putain" par-ci par-là).


Regardez n'importe quel talk-show d'actualités qui va vous ordonner d'aller vous prosterner devant Intouchables ou La Famille Bélier. Ils vous ordonnent d'être émus parce que... ben parce que c'est émouvant et si t'es pas ému c'est que tu n'es pas vraiment un "bon" être humain. Ils vous traitent de raciste si vous osez dire que Kendji... ben c'est pas votre tasse de thé. Ils ont fait d'acteurs prétentieux et incultes des personnalités du monde du cinéma. Ils ont adoubé Marc Levy comme l'écrivain d'une génération et 50 Nuances de Grey comme le Kama-Sutra des temps modernes. Quand est ce qu'ils vous ont demandé votre avis ? A vous ?


J'écris ce blog depuis des années maintenant et je n'en ai retiré ni compensation financière, ni un quelconque pouvoir... je ne peux même pas m'en servir pour briller en société ou en galante compagnie parce que les médias vous ont ordonné de considérer qu'un trentenaire qui lit des comics c'est trop Big Bang Theory pour être pris au sérieux. Je connais et je fréquente régulièrement des sites de critiques de cinéma, de littérature et de musique dont quasiment personne n'entendra jamais parler pour la simple et bonne raison que - comme la mienne - leur ligne éditoriale consiste en : Faites vous votre propre putain d'opinion, on est là que pour vous donner un avis.


Spider Jerusalem doit d'ailleurs faire face à une cruelle vérité dans ce nouveau volume : il est devenu un symbole qu'une société trop "moutonisée" considère comme une voix alternative sans jamais avoir pris la peine de lire un de ses articles et se contente de faire leur l'image que les autres médias donnent de l'avatar dessiné de Warren Ellis. 

En devenant un personnage de fiction (à base d'anime japonais, de merchandising et de films d'entertainment pour adultes) dans son propre monde fictionné, Spider perd la capacité d'être considéré comme un vrai être humain avec quelque chose. Une thématique chère à l'auteur qui est d'ailleurs le point de départ de son documentaire Captured Ghosts.


Il commence à y avoir de la lumière dehors...

Il serait hypocrite pour moi maintenant de vous "ordonner" de lire Transmetropolitan après tout ce que je viens de dire. Je ne peux que vous donner un avis, une opinion. Ellis l'a écrit en parlant avec ses tripes et je pense que c'est là ce qui fait la force du récit. Les répliques et autres tirades font mouche à tous les coups... ou du moins, elles le font si - comme moi - vous en avez soupé de l'hypocrisie générale qui recouvre notre société... 


Quoique l'hypocrisie est une tumeur tellement bien faite qu'on ne pense jamais en être atteint. On se dit qu'on ment pour la bonne cause, qu'on peut pas faire autrement. Bien sur qu'on peut faire autrement... On peut dire la Vérité... On peut considérer que la personne qui est en face possède un droit inaliénable à connaitre la Vérité ou que, du moins, on a le devoir moral de dire la Vérité. Si vous saviez le nombre d'hypocrites qui s'ignorent... vous réaliseriez sans doute que vous en faites partie.


Comment savoir qu'on est pas hypocrite alors ? Et bien si la dernière phrase du paragraphe suivant ne vous a en aucun cas vexé... si vous avez relevé la tête trois secondes de votre écran pour dire "Oui, ça m'arrive d'être hypocrite", c'est probablement que vous ne l'êtes pas et que Transmetropolitan est fait pour vous, parce que vous avez envie de croire que, dans ce monde, il n'y a pas que des gens petits qui se croient grands et qui font tout pour rendre les autres aussi petits qu'eux.
 
Et si vous pensez que les gens trop gentils ont forcement l'intention de vous sodomiser aussi...
On dit souvent qu'il n'y a que la Vérité qui blesse et grâce à Warren Ellis elle ne se contente pas de vous blesser. Elle vous fonce dessus avec un semi-remorque dont le pare-choc a été recouvert de barbelés avant de faire une marche arrière pour briser vos quelques os encore intacts et de descendre du camion pour vous achever à la machette. Bonne lecture !

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