dimanche 17 décembre 2017

Super Castor : Maximum Security (Marvel)

Comment créer un "bon" event dans les comics ? De nos jours, ça serait une histoire qui remet en question tout ce en quoi nous avons pu croire, une catastrophe aux ramifications cosmiques ou une bonne excuse pour un reboot... Pourtant, il existait un temps où un event pouvait être aussi pétaradant qu'un blockbuster estival sans pour autant changer la politique d'une maison d'édition pendant des mois. Mesdames... Messieurs... Les Sidekicks... On va parler de Maximum Security !


Scénarisée par Kurt Busiek, cette petite mini-série en trois épisodes (et une bonne dizaine de tie-ins mais on y reviendra plus tard) publiée intégralement en janvier 2001, Maximum Security raconte comment le Conseil Galactique et ses représentants de toutes les races intelligentes de l'univers décident qu'ils en ont assez de voir les Terriens interférer avec des affaires qui les dépassent. Cherchant un moyen de renvoyer les primitifs que nous sommes se mêler de leurs oignons, le Conseil se voit approché par la race des Ruul qui proposent une solution pour le moins intéressante.


Un mur (idée très originale... qu'un candidat à l'élection américaine reprendra comme promesse de campagne 15 ans plus tard) d'énergie entourera désormais la Voie Lactée, empêchant les Terriens de se balader dans l'univers. Comme cela ne suffit pas, il est également décidé que notre bonne vieille planète bleue deviendra une prison pour tous les criminels aliens et que Ronan l'Accusateur est nommé maton en chef. Trop occupés à gérer ces nouveaux arrivants plutôt belliqueux, les héros terriens n'auront pas le temps de trouver un problème à leur isolement forcé.


Un bon event... ça ne s'éparpille pas et le meilleur moyen d'y parvenir c'est de ne pas suivre plusieurs protagonistes principaux. Ici, le héros de l'histoire n'est autre que U.S Agent, l'ancien remplaçant de Captain America qui prend de nouvelles fonctions - et un nouveau costume très Dreddien - à la Commission sur les Activités Surhumaines. Propulsé à la tête d'une unité de marshalls subtilement nommés S.T.A.R.S, c'est lui qui découvrira les causes de la multiplication des hors-la-lois cosmiques sur notre bonne vieille terre.


Un bon event... ça ne demande pas de lire 150 tie-ins pour comprendre ce qui s'y passe. Ici, le concept de la mini-série principale se prête merveilleusement au jeu. Les titres qui portaient la bannière Maximum Security se contentaient pour la plupart de narrer la rencontre - musclée - entre un héros et un extraterrestre fraichement débarqué dans sa nouvelle taule. A vrai dire, seuls l'un des prologues est véritablement intéressant à lire (Maximum Security: Dangerous Planet #1) et les seuls événements ayant un lien à l'arc principal sont même dispensables (pour les puristes, on les trouve dans Gambit vol. 3, #23 et Bishop : The Last X-Man #15).



Et pour finir, un bon event, c'est quelque chose qui respectent son univers sans pour autant le réécrire. Kurt Busiek s'évertue à nous faire faire le tour des quantités de races aliens que la Maison des Idées a pu produire et surtout de leur pires représentants : les Frères de Sang, Cap'n Reptyl, le Cadre K... et surtout Ronan l'Accusateur et Ego la Planète Vivante viennent donner du fil à retordre à nos héros. Pourtant... Maximum Security s'achève sans véritablement transformer l'univers Marvel et seuls quelques personnages sont affectés par les événements de cette révolution cosmique.


Grand oublié au milieu des Infinity War et autres Secret War(s), Maximum Security reste un exemple parfait de spectacle respectueux, intelligent et qui ne se prend pas pour LE crossover qui va révolutionner le genre... et après tout, n'est ce pas ce qu'on attend d'un... bon event ?


vendredi 8 décembre 2017

Review : Batman / Judge Dredd

L'un est la nuit, l'autre est la loi... Le chevalier noir veille sur les rues de Gotham en inspirant la peur, alors que le premier Juge de Mega City One traverse les canyons de sa cité en dispensant une justice sommaire. Que se passe-t-il quand le plus grand détective du monde rencontre le flic le plus hardcore du futur ?



C'est la question à laquelle répond cet album sorti chez Urban Comics en ce début du mois de décembre. Rassemblant les 4 récits narrant les différentes rencontres entre les deux héros (ainsi que Lobo / Judge Dredd : Psycho Bikers Vs. Mutants From Hell dont je ne parlerai pas ici car - bien que fun à lire - il nous éloigne du propos) ils sont également l'occasion de la rencontre d'une pléthore d'artistes pour un défilé de violence en toute beauté.
 
Mais on aime Lobo quand même...
Tout commence avec Judgement on Gotham et l'arrivée de Judge Death à Gotham via une ceinture de téléportation interdimensionnelle. Bien qu'ayant réussi à se débarrasser du Juge psychopathe, Batman se verra à son tour transporté vers Mega-City One où seule la Juge télépathe Anderson lui permettra d'échapper à l'incarcération à laquelle Dredd le destinait. De retour dans sa ville - et pourchassé par Dredd - il devra faire face au retour de Death, à son alliance avec l’Épouvantail et à Mean Machine Angel (que les fans ... que ceux qui ont vu le premier film Judge Dredd connaissent) lui aussi arrivé dans l'univers DC.


Dans Vendetta in Gotham c'est au tour du Juge casqué de venir rendre visite à l'Homme Chauve-Souris pour régler ses comptes et ceux du Ventriloque et de Scarface. Puis, Le Sphinx et le mystérieux Seigneur Xero joueront au chat et à la souris avec nos deux héros dans The Ultimate Riddle. Divers histoires et rencontres tenues par un fil conducteur ténu : un médium a prédit que Batman sauverait Mega-City One de la destruction.



Et quelle autre forme pouvait prendre cette destruction si ce n'est celle du Joker ? Dans Die Laughing, ayant lui aussi mis la main sur une ceinture interdimensionnelle, le Clown Prince du Crime libère Judge Death et ses complices les Juges Noirs - Mortis, Fire et Fear - en échange d'une immortalité qu'il obtiendra en devenant le cinquième membre de cette équipe convaincue que puisque "tous les crimes sont commis par des vivants", la vie elle-même est un crime... passible de la peine de mort.



Tout d'abord un grand merci à Urban d'avoir republiée ses histoires tombées dans les limbes depuis des dizaines d'années. Pur produit des années 90 et de la vague des auteurs britanniques issus de 2000 A.D dans le comics américain, le scénario est confié aux bons soins de John - le papa de Dredd - Wagner et Alan - créateur du Ventriloque, de Zsasz et d'Anarky - Grant. Il leur incombe d'opposer deux personnages qu'on aurait pu croire étrangement proches. Sur une base classique de crossover allant du quiproquo suivi de la bagarre entre héros avant de s'unir contre l'ennemi, les deux auteurs créent l'antagonisme des deux protagonistes sur l'implacable credo de Dredd : Il est la loi...



Face à lui, Batman ressemble presque à un boy-scout tentant de suivre la ligne de conduite qu'il s'est forgé. Il n'est qu'un élément du système là où Dredd EST le système. Il représente un certain idéalisme que tout le monde - sauf le Juge Anderson - semble avoir oublié dans le monde de Mega-City One... Et plus important que tout : Batman ne tue pas alors que Dredd et Juge, Jury et Bourreau...



Une grande histoire nécessite de belles images pour la conter... C'est le cas ici... à part peut être avec le travail de Cam Kennedy sur Vendetta in Gotham que je trouve un peu en dessous du reste. Mais quel "reste" ! Simon Bisley ouvre une marche conclue par Glenn Fabry... Le résultat est du coup magnifique avec cette touche post punk qu'on ne trouve que chez les auteurs qui ont vécu au Royaume-Uni sous Margaret Thatcher. Tout en faciès tordus et mégalopoles malsaines, les planches illustrent parfaitement bien la folie à laquelle les deux héros se confrontent.


Complétistes de l'univers Batman... Fanatiques de l'ironie mordante et de la critique sociale qu'incarne Judge Dredd... Vous savez ce qu'il vous reste à faire ! Quant aux autres ? Vous pouvez faire la même chose !

mercredi 29 novembre 2017

Et Vlog La Galère - Justice League

Il est là... LE film censé être le point culminant du DCU...
 
Qu'est ce que ça donne ? Et bien un sympathique fan film complètement boiteux.... 
 

vendredi 24 novembre 2017

Review : Fondu au Noir (Delcourt)

Ed Brubaker et Sean Phillips... Un duo dont les habitués du blog doivent se souvenir tant le fruit de leurs multiples collaborations a été traité, disséqué, analysé et porté aux nues de mes reviews. De Incognito à Fatale en passant par Criminal, la paire d'as a su à chaque fois confirmer son talent tout en se réinventant au sein du microcosme du comics à références 50's et 60's. Une touche de Pulp par ci, un soupçon de roman noir par là, chaque nouvel opus atterrit immanquablement sur ma wishlist.



Comme vous pourriez vous en douter, Fondu au Noir (The Fade Out en VO) nous plonge dans le monde du cinéma. Starlettes, paillettes et apparences trompeuses sont donc au menu du récit qui nous est proposé ici. Le Hollywood de 1948 et ses studios tentaculaires deviennent alors le cadre d'une sinistre histoire de meurtre dont peu de protagonistes sortiront indemnes.



Tout commence quand Charlie Parish, scénariste incapable d'écrire depuis son retour de la seconde guerre mondiale et servant de prête-nom à un de ses collègues blacklisté pour ses accointances communistes, se réveille dans une baignoire. Il ne se souviendra pas des détails de la soirée de la veille mais la découverte du cadavre d'une actrice étranglée dans la pièce voisine l'obligera bien vite à essayer de reconstituer les pièces du puzzle de cette nuit fatale.



Fondu au Noir prend donc place au sein d'un âge d'or se précipitant vers sa fin avec tout ce que cette dernière implique de décadence et de violence. C'est un film noir prenant place précisément là où le film noir est né. Relecture moderne et dessinée du Sunset Boulevard de Billy Wilder (film de 1950 qui a inspiré David Lynch sur Mulholland Drive, excusez du peu), la série nous balance tous les clichés du genre dans une oeuvre labyrinthique. La starlette au passé trouble, le scénariste alcoolique, l'acteur homme à femmes, les pontes des studios qui Weinsteinisent bien avant l'heure du #BalanceTonPorc...



J'aime les clichés. Les clichés sont comme autant d'amis qui nous rassurent, nous rappellent qui nous sommes et où nous nous trouvons. Ed Brubaker sait jouer de ces clichés et peint avec finesse une histoire dans laquelle le lecteur se plonge comme dans un bon roman de gare. Ici les films fictifs et personnages inventés croisent la route de la vraie vie à l'occasion d'une conversation ou d'une rencontre avec Clark Gable ou Dashiell Hammett.



C'est donc dans un univers connu que le scénariste nous balance ses personnages. Brodski, le chef de la sécurité du studio qui fait taire les scandales à coups de poing américain dans les dents. Dottie, la secrétaire à lunettes qui connait tout le monde et garde leurs secrets. Gil, le scénariste artiste balancé comme communiste au FBI et qui trouve une inspiration destructrice au fond d'une bouteille d'alcool ou dans la salle de jeux d'un tripot. Autant de visages auxquels les crayons de Sean Phillips donnent vie... même dans la rigidité de l'oeil d'un cadavre.



Toutefois, arrêtons nous sur Charlie. Protagoniste d'une intrigue dont personne ne veut qu'il soit le héros, il rejoint les rangs de tous les anti-héros Brubakeriens. Désabusé, brisé par les horreurs de la guerre, il cherche maladroitement à faire briller la lumière de la vérité dans le monde des salles obscures. Son enquête le mènera d'ailleurs au fond du trou au propre comme au figuré, à la poursuite d'un fantôme dans un enfer crépitant du flash des appareils photos au garde à vous sur le bord des tapis rouges.



Que dire de planches de Sean Phillips ? Elles sont tout simplement somptueuses. Il nous offre un Hollywood aussi sale et glauque que les âmes damnés qui y règnent alors que les innocents errent en quête de célébrités. Plus d'une fois, on s'aperçoit que les seuls "beaux" moments sont ceux apparaissant sur les écrans. Mensonges et réalité s'inversent donc dans une valse aux accents poisseux. Un effet de mise en scène qui culmine dans une conclusion à la fois peu surprenante mais terriblement réaliste. L'innocence est morte et on célèbre les faux semblants.



Lecture destinée à un public adulte, Fondu au Noir démontre encore une fois le talent d'Ed Brubaker. Un must pour les fans de comics inhabituels, de cinéma noir et blanc et d'histoires aussi noires que la nuit. Un conte sombre qui sent le tabac froid et le whisky bon marché.

 

mercredi 8 novembre 2017

VO-Day : Last Gang in Town (Vertigo)

Définition de "punk" dans le Larousse :
"Se dit d'un mouvement musical et culturel apparu en Grande-Bretagne vers 1975 et dont les adeptes affichent divers signes extérieurs de provocation (crâne rasé avec une seule bande de cheveux teints, chaînes, épingles de nourrice portées en pendentifs, etc.) afin de caricaturer la médiocrité de la société."
Pourquoi se donner la peine de vous faire ce petit cours de vocabulaire ? Parce que Last Gang in Town est clairement un comic-book punk. Et aussi parce que la musique punk et tous les sous-genres qui lui sont affiliés font partie intégrante de ma culture musicale. Vous me connaissez, je ne rechigne jamais à marier mes passions...
L'histoire nous narre la réunion de ses protagonistes sur un toit de Shanghai pour une cérémonie bouddhiste en 2018. Cependant, c'est 30 ans plus tôt qu'elle commence réellement. Londres, 1977 : Ava, ancienne criminelle du Swinging London ayant perdu son partenaire Charlie - une copie du Michael Caine de la grande époque des Alfie et autres Ipcress File - décide de monter une équipe destinée à réaliser le larcin le plus extravagant et audacieux jamais accompli. Ce gang sera composé de l'aussi acrobatique que chanteuse punk désabusée Joey, de son colossal batteur Billy et d'Alex l'orpheline reine du forçage de serrures et coffre-forts.


Ce que Ava attend de cette brochette de criminels rebelles est simple : remettre l'art dans le crime et le crime dans l'art. D'actes de vandalisme en revendications anti-establishment, ils attendent leur plus grand coup et pénétrer à Buckingham Palace n'est que le début. ils finiront par attirer l'attention d'une Reine Elizabeth - bien plus "destroy" que ce à quoi on peut s'attendre - qui lâche à leurs basques le terrifiant Mr. Croker.


Irrévencieux et brouillon, Last Gang in Town est une mise en abime de la musique punk. L'histoire part dans tous les sens et il souvent bien difficile d'en garder le fil. Cette impression est renforcée par la mise en page qui fourmille de centaines de détails, légendes, graffitis, mouches commentatrices qui détournent l'attention du lecteur. Si on ajoute à ça les références à la culture britannique qui arrivent telles des supporters de Chelsea dans un autocar, le scénariste Simon Oliver a vraiment de la peine à nous hameçonner à son histoire, du moins dans les deux premiers épisodes de la série.


Mais qu'à cela ne tienne, car la très grande force de Last Gang in Town c'est la folie et le talent (mais les deux ne sont ils pas liés ?) de l'artiste Rufus Dayglo. Ses planches sont d'un détail exemplaire sur les personnages. J'aurais pu me perdre dans les yeux de Joey ou contempler le glamour légèrement fané d'Ava pendant des heures. Toutefois, cette précision est associée à une totale anarchie des décors (dans lesquels Dayglo a mis plus d'un détail de sa propre vie), des costumes et même d'éléments qui n'ont rien à voir avec l'histoire (mais qui a écrit toutes ces répliques sur les bords des pages ???).

Une fois, n'est pas coutume, j'en profite pour saluer le travail de Giulia Brusco à la couleur. Jamais un Londres sinistre, froid et humide n'aura été aussi chatoyant et criard.


En défintive, l'histoire intéressante bien que pas transcendante de Last Gang in Town associé à son graphisme déjanté et pétaradant me laisse avec une question qui mérite d'être posée. Est-il possible que parfois le dessin enfonce le scénario au lieu de le tirer vers les sommets ?


jeudi 2 novembre 2017

dimanche 29 octobre 2017

Don't Fear The Reader #7

Trois nouvelles reviews en flash dans Don't Fear The Reader
 
- The Boys - On ne Prend Plus de Gants chez Panini Comics
- Lady Mechanika - La Dama de La Muerte chez Glénat Comics
- Big Trouble in Little China - L'Enfer de Midnight Road & Les Fantômes des Tempêtes aux Éditions Réflexions 
 
Enjoy ! 
 

lundi 23 octobre 2017

Review : Black Hammer - Origines Secrètes (Urban Comics)

Pas plus tard qu'il y a deux jours, j'ai entendu quelqu'un soulever la question "Jeff Lemire est-il meilleur quand il travaille pour Marvel et DC ou chez des éditeurs plus indépendants ?". Personnellement, ma réponse serait "Jeff Lemire est bon tant qu'il écrit ce qu'il aime. Il n'y a qu'à lire Trillium ou Sweet Tooth pour s'en convaincre". Une réponse que je ne peux que confirmer suite à la lecture du premier tome de Black Hammer qu'Urban Comics vient de nous sortir en VF.



Coincés dans une ferme perdue à côté d'un village tout aussi perdu dans le fin fond de l'Amérique campagnarde, six personnes tentent de mener une vie aussi normale que possible. Cette tâche est d'autant plus ardue dans la mesure où ces six individus étaient des super-héros protégeant la ville de Spiral City dix ans auparavant. Projetés dans ce monde lors d'un combat contre l'Anti-Dieu, ils cherchent un moyen de rentrer chez eux ou de vivre en bonne harmonie dans ce nouvel univers qu'ils n'arrivent pas à quitter, les limites de la ville étant des frontières à ne pas franchir.



Abraham Slam - héros inspiré de Captain America - est le patriarche et le leader de cette communauté d'exilés. Il est accompagné de Barbalien - un guerrier martien métamorphe -, Golden Gail, une femme de cinquante ans prisonnière du corps de la petite fille en qui elle se transforme en prononçant le nom d'un sorcier, du Colonel Weird - un aventurier de l'espace - et de son assistante robot nommée Talky Walky, ainsi que la sorcière énigmatique qu'on nomme Madame Dragonfly. Seul disparu manquant à l'appel : Black Hammer, le héros des rues. Hélas, un événement tragique semble l'avoir séparé du reste du groupe sans que l'on en sache davantage pour le moment.



Vous l'aurez compris, Lemire joue avec les clichés du genre comic-book-esque pour établir sa galerie de personnages. Cependant, il est intéressant de voir comment il détourne ces stéréotypes pour faire quelque chose de neuf. Golden Gail a physiquement neuf ans mais l'esprit d'une femme d'âge mûre qui ne supporte plus son apparence enfantine. Barbalien peut changer de forme à volonté (court, long, carré... si vous avez compris cette blague... vous avez tout mon respect) mais n'arrive plus à dissimuler sa vraie nature. Madame Dragonfly vit recluse dans sa cabane hantée qui terrifie un Colonel Weird vieillissant et à moitié rendu fou par la mystérieuse Para-Zone... Les origin stories s'alternent dans ces premiers épisodes et vont chercher dans les différents recoins de notre culture populaire, du comics de super-héros Golden Age à celui d'horreur à la EC Comics quand Madame Dragonfly s'adresse directement au lecteur et s'impose comme narratrice de sa propre histoire.


Black Hammer ne fait pas primer l'action pour l'amour de l'action. Ici, nous avons affaire à un comic-book beaucoup plus attaché à décrire les interactions et les frictions d'un groupe de héros privé d'héroïsme. Les esprits s'échauffent entre perte d'espoir, désir de s'abandonner à ce monde, volonté de construire une nouvelle vie, de retrouver l'ancienne ou obstination à trouver un moyen de quitter cette nouvelle dimension. D'ailleurs, le mystère de ce nouvel univers tient véritablement en haleine tant les personnages que le lecteur lui-même et les recherches de la fille de Black Hammer pour découvrir ce qui est arrivé à son père et ses compagnons nous rappelle que le monde est bien plus vaste que la ferme et le village.



Le travail de Dean Ormston aux dessins est aussi absolument fantastique. Le style n'est pas sans rappeler un croisement entre Jack Kirby (l'Anti-Dieu ne serait-il pas un peu Galactusesque ?) et Mike Mignola (même si pour cette dernière référence, le travail de Dave Stewart à l'encrage a pu jouer sur mes perceptions). Les personnages sont aussi fantasques qu'ils sont renfrognés et certains designs font la part belle à tout un esprit de pulp rétro SF qui me tient particulièrement à cœur. Le mélange des genres imposé par le scénario se retrouve dans les planches qui alternent le classicisme des 50's, le cartoonesque des 60's et le psychédélisme des 70's.
 
Du coup... Jeff Lemire est-il meilleur sur de l'indé ? La question ne se pose pas... Pourquoi ? Parce que les goûts et les couleurs, pardi ! Black Hammer a su être à la fois touchant, mystérieux et suffisamment original pour m'intéresser. Les thématiques que le volume aborde - la quête de soi et son acceptation - ont trouvé une résonance en moi. Le graphisme m'a plu car très évocateur de tout un pan de la culture comics que j'aime... mais tout ça, n'est-il pas que mon avis ?

mardi 10 octobre 2017

VO-Day : Batman - White Knight #1 (DC Comics)

Toutes les histoires sur Batman ont-elles déjà été racontées ? C'est une question légitime quand on prend en compte la longévité du personnage et le nombre impressionnant de scénaristes à avoir oeuvré à son destin. De la mini-série elseworld au run épique de plusieurs années, il faut bien avouer que l'univers de l'Homme Chauve-Souris a été décortiqué sous toutes les coutures. Si, en plus de ça, on ajoute sa nemesis Le Joker dans l'équation... la question se repose avec encore plus de vigueur : comment nous proposer de l'inédit ?



Batman - White Knight s'ouvre à l'asile d'Arkham... comme des centaines d'épisodes avant lui. Un homme nommé Napier est venu voir l'un des résidents et trouve un Batman enchaîné à qui il vient demander son aide. Le simple nom de Napier aura fait réagir les plus cinéphiles (encore que... faut-il être cinéphile pour danser avec le diable au clair de Lune ?) d'entre vous. Nous sommes bel et bien en présence du Joker. Un Joker débarrassé de son maquillage, qui conduit la Batmobile et accueilli avec respect par les gardiens.


Flashback ! Un an plus tôt, Batman et le prince clown du crime se livrent à un de leurs grands classiques : une course-poursuite effrénée dans les rues de Gotham. Cette dernière s'achève dans une usine de traitement de médicaments retirés de la vente dans laquelle un Chevalier Noir encore plus sombre et renfermé que d'ordinaire passe son ennemi à tabac avant de lui fourrer un poignée de pilules dans la gorge sous l'oeil inactif de Nightwing, Batgirl, Gordon, une foule de représentants des forces de l'ordre et l'objectif d'une caméra.



Vilipendé pour sa violence excessive, Batman se verra devenir la cible de la vindicte populaire qui prendra la défense du psychopathe souriant. Le commissaire Gordon est aussi dans la ligne de mire de l'administration et des médias qui critique son manque d'action face à une agression caractérisée. Alors que la situation semble déjà bien sombre, une nouvelle surgit : les pilules ingérées par le Joker semble avoir guéri le Joker de sa folie !



Faisant montre d'un intellect hors-normes, il étudie alors jour et nuit dans un seul but : faire tomber ceux qui l'ont relégué au rang de simple fou à enfermer. Conscient de la dette qu'il a envers Gotham pour ses crimes, il décide d'en devenir le Chevalier Blanc et de faire payer Batman et le GCPD pour leurs crimes. Nouvelle manipulation d'un esprit malade qui feint la santé ou véritable rédemption ? Seule la suite, nous le dira.


Fascinante réinterprétation de la lutte intemporelle entre Batman et le Joker, White Knight arrive à faire du neuf avec des concepts vieux de plusieurs années. Plusieurs fois, les rôles ont été inversés entre les deux adversaires à la faveur de réalités parallèles et autres événements cosmiques. Cependant - et bien que la série reste un elseworld et rien que le fait d'avoir donné une identité civile au Joker met la série hors de la continuité canonique - cela n'avait encore jamais été fait de la sorte. Les rôles ne sont PAS inversés ! Batman fait ce qu'il a toujours fait... peut-être de façon plus expéditive que par le passé, mais cela est justifié par l'histoire. Seule change la façon dont les actions du Caped Crusader sont perçues par le public et par le Joker.



Les dialogues font d'ailleurs la part belle à cette "non-originalité" de l'idée initiale. Les élucubrations du Joker sur la relation quasi-sexuelle qu'il entretient avec Batman sont le reflet d'une pléthore de théories sur les liens entre eux. La page où le Joker se réveille après le passage à tabac dans une chambre où chaque centimètre carré est occupé par l'image de la chauve-souris ne vient que renforcer une obsession dont on sait qu'elle existe (en plus d'offrir un lot conséquent de références). Tous ces poncifs sont repris, avalés et digérés par le scénario de Sean Murphy qui nous les réarrangent ensuite à sa façon pour livrer quelque chose qui, je l'espère, saura rester aussi intelligent et novateur dans la suite de la série.



Ses planches  nous livrent un Gotham où même l'ombre semble sale. Comme s'il y avait quelque chose de malsain dans les ténèbres autrefois réconfortantes car elles abritaient le héros de la ville. Batman devient une figure toujours aussi charismatique, mais quelque chose dans sa posture, dans les ombres de son visage évoque en nous le démon qu'il n'était censé représenter que pour les criminels.



Véritablement intéressant à lire pour tous les fans du Chevalier Noir trop engoncés dans la routine de ses affrontements manichéens, Batman - White Knight est un comics qui appelle à la théorie. Dès ma deuxième lecture, j'ai relevé des lignes de dialogue, des choses qui permettent de supposer où Sean Murphy veut nous emmener dans cette variation originale et inspirée. A suivre pour confirmer les doutes, certes... mais dans l'espoir d'une belle surprise.
 

lundi 25 septembre 2017

Review : Animosity - Le Réveil (Snorgleux Comics)

Qu'on se le dise : j'adore avoir raison ! Fanfaronner à coups de "Je vous l'avais bien dit" provoque chez moi une extase que seule la conclusion d'une soirée aux chandelles avec un verre de vin et un fond d'Otis Redding parvient à égaler. Il n'est donc pas étonnant que je profite de la sortie de ce premier tome d'Animosity pour vous remémorer mes paroles lors du derniers Free Comic Book Day : "Animosity est mon coup de coeur."



Néanmoins pour celles et ceux qui auraient ignoré mes doux conseils, voilà une piqûre de rappel à l'occasion de la sortie du premier volume de la série de Marguerite Bennett chez Snorgleux Comics.


L'histoire pourrait ressembler à un conte de fées. Un beau jour, sans que l'on sache pourquoi, tous les animaux se retrouvent dotés d'une conscience et surtout de la parole. Une parole qui leur servira dans un premier temps à réclamer vengeance pour tout ce qu'ils ont subi aux mains des hommes. C'est dans ce nouveau monde soumis à de nouvelles règles que nous allons suivre les aventures de Jess et de son fidèle chien Sandor (oui, c'est une référence à Game of Thrones) lancés dans un road trip à travers les États-Unis pour retrouver le grand frère de la jeune orpheline.

"Nouvelles règles" qu'on a dit
Une intrigue de base assez simple mais qui entretient néanmoins une aura de mystère. Narrée de façon non-chronologique, l'histoire se permet des ellipses pour garder ses secrets. Débutant juste après le "Réveil" du règne animal, on saute plusieurs semaines en avant alors que Jess et ses parents organisent leur nouvelle vie, puis quelques mois plus tard alors que les parents de la fillette sont morts dans des circonstances inconnues.


Il est difficile de qualifier Animosity... On pourrait parler d'univers post-apocalyptique, sauf qu'il n'en est rien. Dystopie ? Je ne pense pas non plus... Animosity nous décrit une redéfinition de la société telle que nous la connaissons. Les animaux réclament une place qui n'était jusque là occupée que par l'être humain : celle d'espèce dominante et consciente. En effet, sans faire aucun prosélytisme vegan, le monde du comics pose cette simple question : peut-on manger un être doué de conscience ? 


Cette quête de nourriture est l'un des aspects majeurs du volume. Les cinq épisodes du recueil nous montrent des humains s'accrochant à leur ancienne supériorité aussi bien que d'autres qui prennent le parti des animaux. D'ailleurs, les bêtes en tous genres apprennent également à coexister entre elles aussi bien qu'avec les hommes. Une vision d'une société nouvelle qui n'est pas sans rappeler l'univers de Y, le Dernier Homme si on l'avait mixé avec les touchants Pride of Baghdad et Nou3.
 
"Rendez-vous, vous êtes cerf-nés" (oui, c'est un élan... ne venez pas me chercher des... NOISES)
Cependant, au-delà de toute considération sociétale, Animosity est un hommage à l'Amour que nous portent nos animaux domestiques. La relation entre Jess et Sandor est véritablement émouvante. Ensembles depuis leur plus tendre enfance, la fillette et son limier se vouent un Amour comme on en voit peu. Les toutes premières paroles de Sandor lui serviront à confesser l'Amour qu'il porte à sa maitresse. Par la suite, il essaiera de remplacer ses parents avec tous les doutes et les difficultés que cela implique.


D'ailleurs, dès le premier chapitre, le brave toutou n'hésitera pas à affronter un tigre pour défendre sa maîtresse. Un tigre ! Vous vous rendez compte ? Si Sandor avait été un chat, lui et son compère félin se seraient entendus pour partager les restes de la gamine... Je vous ai dit que je n'aimais pas les chats ?


Les planches de Rafael de Latorre ? Elles sont juste magnifiques. La difficulté dans l'exercice aurait pu être de faire passer des émotions sur les visages des chiens, chats, bisons, baleines à bosses et crevettes qui peuplent le récit. Le dessinateur s'en tire avec brio et avec une exactitude dans ses protagonistes bestiaux qui mérite le plus profond respect.
 
Elles gambas-dent sous l'océan...
On dit souvent que les gens qui n'aiment pas les animaux n'aiment pas les gens. Je pense que c'est en partie vrai... De même, je pense que les gens qui aiment les animaux autant qu'ils nous aiment (sauf les chats) ne peuvent qu'aimer Animosity. Un grand merci accompagné d'un coup de chapeau à Snorgleux Comics pour cette sortie et vivement le tome 2 !