lundi 23 octobre 2017

Review : Black Hammer - Origines Secrètes (Urban Comics)

Pas plus tard qu'il y a deux jours, j'ai entendu quelqu'un soulever la question "Jeff Lemire est-il meilleur quand il travaille pour Marvel et DC ou chez des éditeurs plus indépendants ?". Personnellement, ma réponse serait "Jeff Lemire est bon tant qu'il écrit ce qu'il aime. Il n'y a qu'à lire Trillium ou Sweet Tooth pour s'en convaincre". Une réponse que je ne peux que confirmer suite à la lecture du premier tome de Black Hammer qu'Urban Comics vient de nous sortir en VF.



Coincés dans une ferme perdue à côté d'un village tout aussi perdu dans le fin fond de l'Amérique campagnarde, six personnes tentent de mener une vie aussi normale que possible. Cette tâche est d'autant plus ardue dans la mesure où ces six individus étaient des super-héros protégeant la ville de Spiral City dix ans auparavant. Projetés dans ce monde lors d'un combat contre l'Anti-Dieu, ils cherchent un moyen de rentrer chez eux ou de vivre en bonne harmonie dans ce nouvel univers qu'ils n'arrivent pas à quitter, les limites de la ville étant des frontières à ne pas franchir.



Abraham Slam - héros inspiré de Captain America - est le patriarche et le leader de cette communauté d'exilés. Il est accompagné de Barbalien - un guerrier martien métamorphe -, Golden Gail, une femme de cinquante ans prisonnière du corps de la petite fille en qui elle se transforme en prononçant le nom d'un sorcier, du Colonel Weird - un aventurier de l'espace - et de son assistante robot nommée Talky Walky, ainsi que la sorcière énigmatique qu'on nomme Madame Dragonfly. Seul disparu manquant à l'appel : Black Hammer, le héros des rues. Hélas, un événement tragique semble l'avoir séparé du reste du groupe sans que l'on en sache davantage pour le moment.



Vous l'aurez compris, Lemire joue avec les clichés du genre comic-book-esque pour établir sa galerie de personnages. Cependant, il est intéressant de voir comment il détourne ces stéréotypes pour faire quelque chose de neuf. Golden Gail a physiquement neuf ans mais l'esprit d'une femme d'âge mûre qui ne supporte plus son apparence enfantine. Barbalien peut changer de forme à volonté (court, long, carré... si vous avez compris cette blague... vous avez tout mon respect) mais n'arrive plus à dissimuler sa vraie nature. Madame Dragonfly vit recluse dans sa cabane hantée qui terrifie un Colonel Weird vieillissant et à moitié rendu fou par la mystérieuse Para-Zone... Les origin stories s'alternent dans ces premiers épisodes et vont chercher dans les différents recoins de notre culture populaire, du comics de super-héros Golden Age à celui d'horreur à la EC Comics quand Madame Dragonfly s'adresse directement au lecteur et s'impose comme narratrice de sa propre histoire.


Black Hammer ne fait pas primer l'action pour l'amour de l'action. Ici, nous avons affaire à un comic-book beaucoup plus attaché à décrire les interactions et les frictions d'un groupe de héros privé d'héroïsme. Les esprits s'échauffent entre perte d'espoir, désir de s'abandonner à ce monde, volonté de construire une nouvelle vie, de retrouver l'ancienne ou obstination à trouver un moyen de quitter cette nouvelle dimension. D'ailleurs, le mystère de ce nouvel univers tient véritablement en haleine tant les personnages que le lecteur lui-même et les recherches de la fille de Black Hammer pour découvrir ce qui est arrivé à son père et ses compagnons nous rappelle que le monde est bien plus vaste que la ferme et le village.



Le travail de Dean Ormston aux dessins est aussi absolument fantastique. Le style n'est pas sans rappeler un croisement entre Jack Kirby (l'Anti-Dieu ne serait-il pas un peu Galactusesque ?) et Mike Mignola (même si pour cette dernière référence, le travail de Dave Stewart à l'encrage a pu jouer sur mes perceptions). Les personnages sont aussi fantasques qu'ils sont renfrognés et certains designs font la part belle à tout un esprit de pulp rétro SF qui me tient particulièrement à cœur. Le mélange des genres imposé par le scénario se retrouve dans les planches qui alternent le classicisme des 50's, le cartoonesque des 60's et le psychédélisme des 70's.
 
Du coup... Jeff Lemire est-il meilleur sur de l'indé ? La question ne se pose pas... Pourquoi ? Parce que les goûts et les couleurs, pardi ! Black Hammer a su être à la fois touchant, mystérieux et suffisamment original pour m'intéresser. Les thématiques que le volume aborde - la quête de soi et son acceptation - ont trouvé une résonance en moi. Le graphisme m'a plu car très évocateur de tout un pan de la culture comics que j'aime... mais tout ça, n'est-il pas que mon avis ?

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