dimanche 24 février 2013

Agent L7 : Bons Baisers de Tchernobyl


- Un martini, demanda la blondasse. A la cuillère, pas au shaker.

- Une vodka… et t’éloigne pas trop ! Ses petites sœurs vont suivre.

            C’était pas sous prétexte que j’étais en mission que j’allais me mettre à boire comme une tantouze. Déjà que le D.E.A.D m’avait fait mettre un smoking. En plus, la mission était officiellement finie depuis que ce type de la mafia russe avait touché le fond de la Volga. Les Al Capone ruskoffs pigeraient vite fait le message : on ne vend pas d’armes aux ennemis des Etats-Unis sauf si on est un membre éminent du gouvernement américain. La grognasse était arrivée au bar de mon hôtel y’avait pas cinq minutes et elle me sortait déjà le grand jeu. Une fille qu’a autant envie d’être invitée dans votre piaule a toujours une étiquette « Propriété du KGB, merci de passer en machine avant de nous la rendre » cousue quelque part dans son string. Faites moi confiance.

 

            James Bond me fait marrer. Vous vous êtes jamais demandé pourquoi les James Bond girls revenaient jamais d’un film sur l’autre ? Si ça s’trouve l’espion chéri de sa très gracieuse majesté est un serial killer. Une malformation de naissance, un organe plus petit que la moyenne (il s’appelle pas 007 pour rien) suffisent à rendre un homme fou et à dézinguer toutes les nanas qu’il fout dans son lit. Moi de ce côté-là, j’ai aucun problème ! Si elles reviennent pas d’une mission sur l’autre c’est parce que je garde les têtes.

            J’étais en train de fourrer les draps, les oreillers et les membres restants dans un grand sac poubelle lorsque le téléphone se mit à sonner.

- Allo ?

- Bonjour monsieur, ici la réception, nous vous transférons un appel.

- OK… Et oubliez pas de m’envoyer une femme de ménage.

- Très bien monsieur.

La voix de la petite standardiste s’évanouit pour laisser la place à Ivana Bridge. Ma boss. Y’a qu’elle et Killdare, le grand patron du D.E.A.D pour me filer les chocottes à tous les coups.

- Comment s’est passée la mission ? demanda Bridge.

- Le communiste doit se faire ronger par la poiscaille à l’heure qu’il est. Je reprends l’avion dès demain.

- Je n’en doutais pas… Par contre, tu ne repars pas de suite. Le KGB nous a contactés et il voudrait profiter que tu es dans le secteur pour que tu les aides dans une mission délicate.

- Le… le KGB ?

- Oui, le KGB crétin ! Ils auraient déjà du prendre contact avec toi. L’officier avec qui j’ai parlé m’as dit qu’elle le ferait en personne.

- …Elle est blonde, non ?

- Ne me dis pas qu’elle l’a fait.

- …Je crois que si

- Tu es incorrigible Sept. Rends toi au bureau du KGB dans l’immeuble en face de la tombe de Lénine et plus de gaffes. N’oublie pas que Killdare a failli en finir avec toi après le fiasco du camp scout.

Elle raccrocha. Le camp scout… 28 morts… J’avais plus de bûches pour le feu et une folle envie de barbecue.


 

            Dans les films d’espionnage, les agents secrets ont toujours des phrases débiles à sortir avant de se reconnaître. Ça donne des conversations hautement intelligentes du genre « Le fond de l’air est frais ce matin. » « Oui mais l’espadon nage à reculons. ». Faut pas croire à ces foutaises. Quand je suis arrivé au guichet des bureaux du KGB, le mec qu’était là m’a dit :

- C’est vous le tueur du D.E.A.D ?

Point barre, y’a pas à épiloguer.

J’ai été reçu comme si j’étais le messie. C’est à ça que j’ai compris que mes nouveaux amis avaient de gros soucis. Quand ils m’ont briefé, j’ai pas été déçu. Tchernobyl est un canular ! Une diversion qu’on avait sorti à l’époque pour pas dire aux gens que la centrale nucléaire qu’avait eu des fuites se trouvait en réalité dans les égouts de Saint-Pétersbourg. Les Russes ont alors profité d’avoir une zone interdite au public pour mettre en place un petit centre d’entraînement pour espions comme celui dont je suis sorti. Malins comme pas deux, les petits génies du KGB ont chié dans la colle pour tout ce qui était de la sécurité. Ce qui devait arriver arriva… Les mecs étaient tombés sur une caisse de vodka frelatée et l’alcool à hautes doses réagissait mal avec les drogues dont on les bourrait. Le camp était aujourd’hui aux mains des agents qui s’y entrainaient. Je me souviens de ma première cuite. J’avais participé à une expérience sur les effets de l’alcool sur les mécanismes psychologiques de base comme le remords, les regrets, la rage… A priori, je suis totalement insensible.


 

Le KGB m’avait refilé un de leurs gars pour me servir de guide. Petrov. Le genre de gars  silencieux avec une lueur de psychotique dans le regard. Il me plaisait bien. On s’est retrouvés dans la forêt à crapahuter pendant deux heures avant d’atteindre le camp. Les cocos avaient bien arrangé le truc. Toute la végétation avait été couverte d’un isotope radioactif pour que la communauté scientifique, et les touristes, croient qu’une centrale nucléaire avait vraiment explosé là. Les poules à deux têtes et les enfants à trois bras qu’on a montré aux télés du monde avaient reçu un pont d’or pour quitter les cirques et les autres foires aux monstres où ils bossaient et venir se pavaner sous les yeux d’un monde horrifié et voyeur.



 

Petrov m’amena directement au camp. Des lambeaux de chair et de tissu pendaient des fils barbelés des clôtures. Des bouteilles vides et des têtes décapitées grimaçantes jonchaient le sol. La neige avait une teinte rosée et sentait l’alcool fort. Je vis même deux corps calcinés sur lesquels on reconnaissait encore les uniformes des gardes de l’installation. J’aimais leur style. Efficace, sanglant, une œuvre d’art. Y’avait encore un côté « brouillon » mais tout ça était très prometteur.

Le principe du camp d’entraînement, c’est que les mecs qui viennent là sont comme qui dirait en formation. J’avais affaire à une bande d’amateurs qui savaient se servir d’un couteau ou d’un flingue, mais qui n’avaient aucune discipline. Et vu leur état, ils allaient forcément commettre des bourdes. Après avoir transformé les gardes en kebab, ma petite troupe de tueurs shootés s’était connement endormie dans le réfectoire. Au milieu des vêtements couverts de sang, des membres charcutés et des flaques d’urine et de vomi je les vis. Le plus vieux d’entre eux devait avoir quatorze ans… Bande d’enflures ! Les Rouges avaient copié le programme du D.E.A.D qui avait fait de moi ce que j’étais.

- Alors tovaritch, on les bute comment ? murmura Petrov.

- C’est des gosses…

- Nyet ! Ce sont des tueurs, des malades, des chiens enragés…

            Il a pas eu le temps de finir sa phrase. Avoir le canon d’un flingue enfoncé dans la bouche, y’a pas plus efficace pour vous couper le sifflet. Deux dents tombèrent dans la neige sans un bruit.

- JE suis un tueur…

De ma main libre, je lui saisis le bras qui tenait son arme. Je connais 53 façons de désarmer un mec dont 20 lui permettent de garder l’usage de son bras. J’optais pour la plus douloureuse.



- JE suis un malade…

            Je retirais mon flingue du fond de sa gorge, faisant sauter une autre dent au passage. Je lui brisais le nez d’un coup de crosse et appliquait le canon couvert de bave sur son œil.

- Et t’as jamais vu un chien plus enragé que moi… tovaritch !

            Je sais pas si c’est à cause des cris, mais une fois que j’en avais fini avec Petrov, la marmaille était réveillée et m’observait depuis la porte du réfectoire. Soit la gueule de bois les avait rendu groggy au point de pas me sauter dessus, soit ils avaient compris que j’étais pas un de leur tortionnaire, que eux et moi on sortait du même enfer. Celui qu’avait l’air le plus vieux s’approcha de moi, une machette à la main. C’était lui le chef, le Alfafa  de ces Petites Canailles. Il avait l’expérience du terrain. Il avait tué des hommes sur des champs de bataille, ça se lisait dans son regard… le même que le mien.

- Je suis Noah, dit-il.

- Sept.

- Tu es venu nous tuer ?

- Pas si vous la jouez cool. C’est quoi cet endroit ?

- Ils l’appellent le Terrain de Jeu.

- Sadique comme nom.

- On les a tués, on veut se venger.



            D’un coup, c’était comme si tous les marmots avaient retrouvé l’usage de leurs langues. Certains muaient, d’autres pas encore, tous avaient des larmes dans la voix.

- Ils ont emmené nos parents.

- Toujours derrière nous.

- Y’avaient des tests.

- On voulait jouer.

- Plus jamais ça.

- Toujours des tests.

- Produits chimiques et scalpels ont volé notre enfance, notre innocence.

- Les implants aussi !

- Des tests et encore des tests !

- Se faire des copains.

- Pourquoi nous ? On a rien fait de mal…

- C’était une prison.

- La prison est détruite, conclut Noah. On va retrouver nos parents.

            Un sourire carnassier devait me déformer le visage. Une idée venait de germer, suivie d’une révélation. Je pense pas que le D.E.A.D m’avait envoyé là pour aider les popovs à nettoyer leur merde.

- J’peux vous filer un coup de pouce pour ça.

            Je quittais la Russie deux jours plus tard dans un charter rapatriant les touristes étrangers. Le pays était en guerre civile. J’avais déposé les gamins devant les bureaux du KGB. Un quart d’heure plus tard, le quartier était une zone de guerre. Les heures qui suivirent virent le massacre de tout ce qui portait un uniforme. Des SDF, des anarchistes et des marginaux avaient pris les armes et rejoint les enfants. Le Kremlin était actuellement assiégé et la Place Rouge portaient bien son nom pour une fois. La ville flambait, la panique était générale, les membres du gouvernement et les militaires haut placés étaient retrouvés pendus aux lampadaires. On disait que le président russe avait disparu.



            Elles attendaient quoi les hôtesses pour nous passer un film et nous servir à boire ?



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