mercredi 30 décembre 2015

Review : Lord Baltimore - Ossuaire Sacré (Delcourt)

NDLR : Initialement prévue en octobre, cette review ne sort qu'aujourd'hui en raison de délais de livraison qui ont confiné à la folie furieuse. Pour me rattraper, je vais vous parler de la série dans son ensemble plutôt que de me consacrer sur un tome en particulier.

 S'il faut bien reconnaitre une qualité à Mike Mignola, c'est que le sieur connait ses classiques. Hellboy à lui seul brasse une quantité impressionnante de références aux folklores fantastiques du monde entier, à Lovecraft, aux films de luchadores, à Edgar Allen Poe... Depuis, chacune de ses séries semble rendre hommage à un genre en particulier : Lobster Johnson est un hommage aux héros de Pulp, Sledgehammer 44 est une modernisation des comics mettant en scène des héros de guerre, B.P.R.D reprend les références d'Hellboy en les mâtinant d'enquêtes paranormales à la X-Files.
Pour ceux qui se demandent à quoi il ressemble

Bien que situé en dehors du Hellboy-verse, Lord Baltimore participe à cet élan de fan-service en payant son tribut au cinéma d'horreur européen : les films de la Hammer en tête. J'avais dit dans ma review de Sledgehammer 44 que le mot "Hammer" évoquait chez moi des visions d'un rappeur et de Peter Gabriel... J'ai menti... Ce mot fait véritablement naître dans mon cerveau l'image du profil racé d'un Peter Cushing ou des yeux injectés de sang d'un Christopher Lee aux canines proéminentes.
Voilà, c'est exactement ça

Car l'ombre d'un Dracula plane sur Lord Baltimore. Je dis UN Dracula, car même si le vampire le plus célèbre de l'Histoire n'apparait pas les comics, les différentes incarnations du personnage (tant littéraires que cinématographiques) ont à n'en point douter servi de bases pour l'univers du comics. Co-écrit  avec Christopher Golden, les aventures d'Henry Baltimore débutent dans le roman illustré Baltimore, or, The Steadfast Tin Soldier and The Vampire publié en 2007.
Un roman jamais paru en France d'ailleurs

D'une structure similaire au Dracula de Bram Stoker, le roman nous présente Henry Baltimore qui a perdu sa jambe lors de la Première Guerre Mondiale via les récits de trois de ses amis. Seul survivant de son bataillon, Baltimore a vu les cadavres de ses camarades se faire dévorés par des créatures aux allures de chauve-souris. Bien décidé à ne pas servir de repas à ces êtres immondes, il affrontera l'un des monstres, le balafrant au visage. Cet accès de bravoure aura pour conséquence de réveiller la conscience - endormie après des siècles passés à vivre comme une bête - du démon qui s'avérera être un maître vampire du nom de Haigus. Furieux d'avoir ainsi été défiguré par sa proie, ce dernier infectera Baltimore - l'obligeant à subir une amputation de la jambe - avant de tuer la famille du soldat et de lâcher sur l'Europe une peste qui n'est ni plus ni moins que le vampirisme.

Se déplaçant maintenant sur une jambe de bois - dans laquelle il enfonce un clou pour chaque vampire qu'il exécute... paie ton détail charismatique - Baltimore deviendra un Capitaine Ahab (d'ailleurs il porte un harpon sur le dos) entièrement dévoué à la traque de son tourmenteur dans une Europe désemparée face au fléau des buveurs de sang.


Des villages d'Europe de l'Est aux paysans faméliques à un Londres crasseux où les prostituées avinées disparaissent dans des ruelles sordides en passant par une Vérone où une mort rouge hante les coulisses d'un théâtre, l'ambiance est ici beaucoup plus sombre que dans les autres oeuvres de Mignola. Un parfum d'apocalypse lente et maladive où même notre héros - obnubilé par son désir de vengeance - n'apporte pas le moindre d'espoir aux populations qui n'attendent plus qu'une fin pas trop douloureuse.
Dracula ? Ahab ? Ok, mais où sont les références au cinéma là-dedans ? Elles sont sous-jacentes... Les seuls titres des différents volumes auraient pu orner les affiches des cinémas de quartier de la grande époque : Ossuaire Sacré, Le Glas des Damnés... L'ambiance de mort et de mélancolie qui baigne les quatre volumes de la série laisse un gout amer dans la bouche, comme le J'accuse d'Abel Gance. 
 
Pour qui sonne le glas ?

Le personnage de la Mort Rouge dans le court récit La Pièce (dans le tome 3 Un Etranger de Passage) semble tout droit surgi d'un film d'horreur transalpin aussi bien que d'une nouvelle d'Edgar Allen Poe. Cinéma transalpin à l'honneur aussi dans l'aspect des créatures de la nuit aussi décrépies que les morts d'un Zombi 2 de Lucio Fulci. On est bien loin des suceurs de sang de Twilight et autres Buffy.


De même, l'inquisiteur Duvic, adepte de la flagellation et ecclésiastique pervers cherchant à éradiquer le mal que représente Baltimore trouve autant ses pères spirituels dans le Vincent Price de Witchfinder General (Witchfinder ??? Comme une autre série de Mignola) que dans le Kurt Menliff de Le Corps et le Fouet (magistral Christopher Lee dans un film de Mario Bava). Un personnage secondaire dont la foi le conduit à la folie et à une cruauté que la Bible ne prône sans doute pas. 

Une barbe plus fournie mais l'essence du perso est là



Une vision de la religion qu'on retrouve dans ces religieuses vampirisées aux corps marqués de marque de crucifix qui pratiquent des messes noires... Ce qui serait d'ailleurs une idée géniale pour un film...

Alors que l'intrigue de la série prend un tournant décisif dans le quatrième tome, tant dans sa trame globale que dans les récits secondaires, je ne peux que vous conseiller de vous jeter sur les volumes déjà parus. Fans de cinéma d'horreur, de monstres gothiques et baroques et de héros sombres et torturés, vous ne serez pas déçus.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire