mercredi 30 janvier 2013

Agent L7 - Episode 1 : Bloody Genesis


                      Je ne me souviens même plus de mon nom. De mon vrai nom je veux dire. A quatre ans, j’ai été enlevé par un organisme gouvernemental secret (le D.E.A.D – Directorate of Enemies’ Annihiliation and Destruction). En fait, Angus Killdare, responsable en chef du D.E.A.D, avait ordonné l’enlèvement de dizaines d’enfants de par le monde pour en faire des agents secrets surentraînés et composer par la même occasion une armée de jeunes tueurs et de machines à détruire qui lui seraient tout dévoués. On m’a torturé jusqu’à ce que mon corps ne réagisse plus à la douleur. Mes souvenirs ont été effacés pour être remplacés par des méthodes pour tuer. Le sang c’est surtout de l’eau, toute ma mémoire disparut comme lavée. J’oubliais mes parents, mes amis et tout ce que j’avais aimé. Je ne savais plus qui j’étais. Je ne répondais plus qu’au nom de L-7.
 
 

               Une fois les mois de « conditionnement » passés, je bénéficiais d’une certaine liberté. En dehors des heures d’entraînement, je pouvais circuler librement dans les installations de ce que nous appelions « La Fosse ». Une fois par mois, nous avions même la permission de faire une virée dans la ville voisine où je m’amusais à me confectionner des colliers avec des langues et des oreilles de clochards. Pourquoi aucun « agent » ne se sauvait ? Il faut dire que les équipes scientifiques du D.E.A.D nous avaient implanté des micro-bombes à la base du crâne qui se déclenchaient si on essayait de se faire la belle. On dira ce qu’on voudra, mais y’a des gens qui savent se faire obéir !

               Les semaines passaient, je me suis mis à aimer cette vie. Qu’aurais-je pu faire d’autre ? Certains de mes camarades se rebellèrent et devinrent nos cibles dans les exercices de combats à balles réelles. « Non, non, Sept, ne tire pas pitié ! » BOUM… C’est pas parce qu’on a grandi ensemble que j’ai pas envie de voir la couleur de tes tripes. J’étais l’un des meilleurs, j’excellais. D’ailleurs je me prêtais volontiers aux diverses expériences qu’on voulait me faire subir. Je savourais des drogues énergisantes qu’on me faisait tester. Je passais des heures dans des simulateurs de combats ou sur des tables d’opérations dans le cadre d’expériences sur la régénération des tissus. Pour ne rien vous cacher, quand j’étais seul, j’allais même jusqu’à m’auto-torturer. Je voulais savoir comment infliger un maximum de souffrances, pour être prêt quand on me confierait ma première mission.

 

               Et cela arriva : ma première mission ! C’est à ce moment que l’histoire devient flippante au point d’avoir des échantillons de sel dans le calcif. A cette époque, je me prenais pour Don Johnson de Deux Flics à Miami. Le D.E.A.D nous envoyait, moi et Roberts et Earnest, deux autres agents, dans un hôtel de San Diego pour récupérer un scientifique en cavale. Il faut avouer que Killdare aimait pas trop les démissions et qu’on quittait le D.E.A.D dans une caisse en bois ou un sac plastique.
 
               Pour ma part, j’étais blasé. Je m’attendais à autre chose pour mon baptême du feu. J’avais l’impression d’être un chien à qui on avait dit « Rapporte ! » et je devais le faire sans me poser de questions. J’étais si déçu que je laissais le sale boulot à Roberts et Earnest pendant que je me bronzais dans la bagnole. Tout devait se passer comme une fleur. C’était l’affaire de dix minutes maximum.

               Au bout de quinze minutes, j’ai balisé. Les gars auraient du être revenus avec le savant. C’est à ce moment là que j’ai vu un truc tomber du dix-septième étage. Ce truc, c’était l’agent Roberts. J’étais HEU-REUX. J’ai mis un caniche dans un micro-ondes une fois, pour voir. La tête de Roberts a fait le même bruit en rencontrant le bitume.

               J’ai alors compris qu’il allait falloir régler le problème tout seul. Je suis entré dans le hall de l’hôtel. Un petit groom boutonneux s’approcha de moi :

- Des bagages monsieur ?

Sur le coup, j’ai cru qu’il disait « Tueur à gages ». J’ai pas cherché à comprendre. J’ai sorti mon flingue et j’ai redécoré le hall avec ses tripes.
 
               En arrivant devant l’ascenseur, j’ai croisé une nana habillée en noir de la tête au pied. Super bandante la gonzesse ! C’est là que j’ai pigé. J’aurais pas dû faire confiance à Roberts et Earnest. C’étaient déjà pas le genre de mecs qui avaient beaucoup de cervelle, mais là c’était vraiment le cas d’Earnest. Quelqu’un lui avait logé une balle en pleine tête. Le petit génie idem : je l’ai retrouvé dans sa suite, le cervelet étalé sur la moquette.

               C’était un coup monté ! Quelqu’un nous avait devancé et il voulait qu’on sache qu’il nous avait doublé. Le seul indice que j’avais, c’était cette fille en noir que j’avais vu sortir de l’ascenseur où j’avais trouvé Earnest. J’aurais tout fait pour en savoir plus. De retour à la Fosse, j’ai torturé quelques agents de notre équipe de renseignements. Ils ont beaucoup crié, mais ils ne savaient rien. J’étais vraiment fier d’eux et j’insistai pour les enterrer moi-même. Je repris tant bien que mal mes activités jusqu’à ce qu’on me file une nouvelle mission. Cela arriva deux mois plus tard. C’est là que l’histoire se corse.
 
               Cette fois-ci, je bossais en solo. Killdare m’avait filé l’adresse en Louisiane d’un laboratoire qui fabriquait une nouvelle drogue. Je devais récupérer la formule et éliminer les témoins. En arrivant sur place, j’ai été assez surpris de trouver une église. Mais bon, on est jamais à l’abri des surprises dans ce boulot.

               J’ai fait une entrée à la Rambo (à l’époque, c’était la mode). Après l’histoire de San Diego, j’aurais pas fait confiance à ma propre mère… même si je l’ai jamais connue. J’étais venu pour me défouler, m’éclater… et quelques crânes par le même occasion. Craven avait omis de me dire que les bonnes sœurs et les petits pères étaient tous des tueurs. J’étais à peine rentré qu’ils se sont mis à me tirer dessus.
 

               Je m’en fichais d’ailleurs. J’avais une drôle d’impression dans la tête. Un souvenir !!! Il était assez flou, mais je comprenais que j’avais dû avoir des embrouilles avec ces grenouilles de bénitiers. Alors, j’ai pas cherché à comprendre. Je me suis vengé. Genre : Qu’est ce qui est noir et blanc et qui se trémousse ? Réponse : Une bonne sœur qu’on canarde. Après tout, j’étais en mission, mais rien m’empêchait de joindre l’utile à l’agréable. Quand le nuage de poussière s’est enfin dissipé, tout le monde avait rejoint le Bon Dieu. On dira ce qu’on voudra, mais les films de Stallone sont une sacrée formation pour ce qui est de flinguer à tout va. La voie était libre à présent, je me suis mis à chercher ce pour quoi j’étais venu.

               Il y avait un cadavre calciné près d’une porte secrète cachée derrière le confessionnal. C’était un évêque. Il avait plus de tête, mais le rosaire était un indice évident. J’ai pigé qu’on m’avait doublé… encore. Le passage secret menait à un labo bourré de macchabées. Plus de drogue. Plus de formule.

               C’est à ce moment là que j’ai entendu un hélico. Je me suis rué dehors pour le voir décoller. La fille en noir ! Elle était aux commandes. J’ai vidé mon chargeur sur l’appareil, mais elle s’est tirée quand même. Craven allait me castrer avec une pince et des tenailles pour avoir perdu les champignons psychotropes cultivés dans le labo. La moindre des choses, c’était d’effacer mes traces. J’ai balancé des grenades à fragmentation dans la sacristie, la nef et dans la plupart des recoins. Le prêtre grillé a un parfum d’ozone et de spaghettis brûlés. Un échec reste un échec, mais au moins je me suis vraiment éclaté.

               Killdare était pas très content de mes résultats. Il faut dire qu’il aime pas ne pas obtenir ce qu’il veut. Lorsqu’il m’a convoqué dans son bureau, je tremblais dans mes loques à l’idée de ce qu’il pourrait me faire.

- Ton taux de réussite est inacceptable, Sept, a-t-il dit. Deux échecs coup sur coup… Pourquoi ?

- La fille… la fille en noir…

J’étais incapable de dire ou penser autre chose.

- La fille en noir… J’en ai marre de cette nana. Sept, tu vas la trouver et la tuer.

 

               J’étais aussi heureux que le jour où on m’avait permis de  garder mon couteau quand je quittai la Fosse. J’allais trouver la fille en noir. Je voulais lui trancher l’aorte, l’accrocher à une esse de boucher, la saigner et l’achever en lui énucléant les yeux au couteau à beurre. J’avais déjà une idée.

               Pendant trois jours, j’ai mis au point mon plan. J’allais me la faire et elle comprendrait que qui s’y frotte s’y pique. Il ne me manquait que le fromage adéquat pour attirer cette souris.

               Aux débuts du D.E.A.D, il y avait un type – Baxter Fly – qui avait disparu des années plus tôt avec quelques secrets et que tout le monde croyait mort. Cependant, tout le monde se battait pour trouver la preuve de cette mort. J’ai fait courir le bruit que je savais où était le corps. Il y aurait une fuite et la miss en noir se radinerait « par l’odeur du fromage alléchée ». Bien sûr, c’était pas le squelette du vrai Baxter que j’avais. C’était celui d’un nain qui travaillait dans un cirque que j’avais aspergé de peinture phosphorescente. Elle n’y verrait que du feu… Enfin, peut être pas, mais ça ferait illusion le temps que je la chope. Je me planquai avec le squelette dans une cabane au fond des bois. Le piège était tendu. Il suffisait d’attendre et attendre encore.
 
 
               Elle m’a fait poireauter trois jours avant de débarquer comme une fleur. On aurait dit la fille de Mata Hari et de James Bond. Elle a à peine eu le temps de réaliser que c’était un faux que je l’avais déjà en joue. Elle s’est tournée vers moi en levant les mains. Je croyais que je pouvais pas la louper quand une sorte d’éclair traversa la pièce en venant vers moi. Cette chienne avait un laser planqué dans sa bague. Ras le bol de ces gadgets d’espions à la con ! Mon œil a explosé dans son orbite. Je dois vous dire que depuis le D.E.A.D l’a remplacé, même si j’ai pas osé demandé d’où venait cet œil. Il paraît que mon cerveau aurait aussi été atteint. Personnellement, j’ai rien remarqué.

               Enfin bref, avec l’œil qui fumait et le cerveau qui bouillait, j’ai oublié mon plan et j’ai tiré, tiré… Des éclairs dansaient devant mon œil valide et je ne savais plus où elle se trouvait. Quand j’ai été à court de munitions, elle a saisi le fémur du nain, m’a sauté dessus et a arraché ce qui restait de mon œil dans son orbite calcinée. Jamais quelqu’un d’autre que moi ne m’avait fait aussi mal. La plupart des petites vieilles que j’avais agressées auraient été vertes de jalousie.

               Je m’amusais bien, mais il était temps d’en finir. Elle essayait de m’étrangler. J’ai mis un coup de dents dans son bras. Puis un coup de tête dans le nez. Et un second, pour le fun. Trois coups. Elle s’effondrait à mes pieds. Tout bien pesé, elle était pas si coriace que ça la nana. J’étais sur le point de la tuer quand j’ai réalisé qu’il faudrait p’tet savoir pour qui elle bossait.

               Comme  elle voulait rien dire, on est allé voir quelqu’un qui aurait fait déclamer un mort. Je la traînais par les cheveux jusqu’au bureau de Craven. C’est à ce moment là que j’ai plus rien compris. Je jetais la fille en noir aux pieds du bureau de Craven. Elle se releva péniblement et se mit au garde à vous. Et là, pour la première fois de ma vie, j’ai entendu Killdare rire.

- Repos Colonel Bridge, a-t-il dit. Sept, je te présente ton nouvel officier supérieur : Ivana Bridge. Considère que tu viens de paser une sorte de test qui avait pour but de voir si tu étais à la hauteur pour entrer dans son unité.

               Ce que je déteste le plus dans le fait de bosser au D.E.A.D, c’est cette impression persistante et malsaine de n’être qu’un pantin…


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