mercredi 4 mai 2016

Review : Bitch Planet - Extraordinary Machine (Glénat)

Il n'y a pas que Deadpool qui connaisse par coeur La Folle Journée de Ferris Bueller. Avant de m'emballer dans la contemplation de ce film culte, contentons-nous d'une réplique prononcée par un Matthew Broderick alors au top de son talent :
"Je n'excuse pas le fachisme, ni les autres mots en -isme d'ailleurs. Les -ismes à mon avis, c'est de la connerie. Les gens ont tort de croire aux -ismes. Ils feraient mieux de croire en eux-mêmes."


Il en va de même pour le féminisme à mon avis. Défendre quelque chose, c'est reconnaitre qu'une différence existe entre cette chose et la normalité. C'est donc au nom de l'égalité des sexes que je vais traiter Bitch Planet au même titre que n'importe quel autre livre sur ce blog. Pourquoi ? Parce que la nouvelle série de Kelly Sue Deconnick possède un nombre impressionnant de qualités sans qu'on y ajoute un quelconque aspect politisant.



L'époque ? Le futur ! Le lieu ? Une Terre dominée par une société patriarcale qui jugent et condamnent les femmes qui ont une trop grande gueule, des kilos en trop ou des chromosomes en moins en les déclarant "non-conformes". Ces dernières sont envoyées dans une prison spatiale surnommée Bitch Planet, un lieu qui prône la réhabilitation, mais dont personne ne revient vraiment jamais.



C'est sur ce satellite pénitencier que Kamau - ancienne athlète - se verra proposer de former une équipe de Megaton, un sport aussi futuriste et violent qu'une partie de Rollerball, avec ses compagnes d'infortune. Officiellement, les Pères veulent leur offrir la chance d'évacuer leurs pulsions destructrices via la pratique du sport (refrain connu chanté par nombre de régimes totalitaires), mais la réalité ne serait-elle pas plus sombre : diffuser sur tous les écrans du monde la défaite de ces femmes un peu trop indépendantes ?



Dramédie Grindhouse rendant hommage à toute une branche du cinéma d'exploitation (le film de prison), Bitch Planet sent la dystopie SF à la sauce 70's. Le look et la coupe afro de son héroïne fait immédiatement penser à la Misty Knight de Marvel, le bras bionique en moins et tous les autres gimmicks du genre carcéral sont également présents : violence des matons, incontournables scènes de douches communes, sexe entre détenues...



Les personnages sont tout aussi attachants que l'intrigue d'ailleurs. Femmes trompées, bafouées ou simplement différentes, elles ne cherchaient qu'à trouver une place dans une société qui a choisi de les exiler. Ma préférence va à Penny, la montagne de muscles et de graisse, à qui un épisode flashback donne une histoire et une profondeur que j'ai hâte de voir les autres personnages partager.



Les planches de Valentine De Landro (un homme contrairement à ce qu'on pourrait penser) participent d'ailleurs à l'état d'esprit du volume. Couleurs flashy et gros points très pop-art sont au rendez-vous, mais l'art du sieur ne s'arrête pas là. Tout en cases étriquées, devant parfois se superposer les unes les autres, la mise en page apparait comme une mise en abime de la détention de ses héroïnes.


Histoire de conclure : Qu'en est-il du féminisme alors ? Il est bien évidemment présent. Tout d'abord dans l'attitude condescendante des hommes à l'égard des potiches considérées comme "conformes" est parfois à la limite du vomitif. Chaque épisode se voit aussi accompagné de fausses pubs rétro permettant d'expliquer en quelques images le monde dans lequel toutes ces femmes ont été élevées.

Titre jubilatoire et intelligent, Bitch Planet mérite d'être lu autant par ceux qui clament avec Aragon que "la femme est l'avenir de l'Homme", qu'aux fans de Orange is the New Black ou d’Étreintes à la Prison pour Femmes. Un nouvel ajout de premier ordre au catalogue de Glénat qui devient l'éditeur "non-conforme" le plus apprécié de cette année.

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