mardi 5 mai 2015

Retro Review : The Spirit Archives Volume 15

J'étais un imposteur... Depuis des années, je tiens ce blog où je parle de comics, je fais des vidéos sur Youtube (que vous n'êtes pas encore assez nombreux à aller voir) où je parle de super-héros et je joue au donneur de leçons avec les gens qui se disent connaisseurs alors qu'ils n'y connaissent rien. Pourtant... je n'y connaissais rien moi-même jusqu'à il y a quelques semaines encore. Explication...
 
Comme beaucoup de gens, je connais le nom de Will Eisner. L'auteur, considéré comme le père du comic book moderne, a donné son nom à une récompense décernée aux meilleurs scénaristes, dessinateurs, story-arc... l'équivalent des Oscars dans le monde des bulles en fait. Je n'étais pas non plus sans ignorer qu'il était le créateur du Spirit que beaucoup considèrent comme un monument du genre... et que je n'avais jamais lu jusqu'à présent, sauf dans des tentatives de réactualisation du personnage (la série DC que Panini dont Panini avait publié quelques tomes, First Wave et j'ai même le DVD du film qui traine quelque part...).
 
Un film médiocre auquel je n'avais trouvé que deux points d'intérêts
Tout a changé le mois dernier quand je suis tombé sur Will Eisner's Spirit Archives Volume 15 qui contenait tous les strips parus dans le Chicago Sun entre juillet et décembre 1947. Aujourd'hui, je suis fier de pouvoir vous le dire : Will Eisner a sans doute changé le monde.
 
The Spirit, pour ceux qui l'ignorent, c'est l'histoire de Denny Colt, un criminologue qui a été laissé pour mort suite à un affrontement avec des gangsters. Revenu d'entre les morts, il décide d'abandonner son identité pour devenir Le Spirit, gardien de la ville de Central City.
 
Et agresser... les petits vieux...
A proprement parler, on ne peut pas dire que The Spirit ait inventé le comics de super-héros. D'une part parce que quelques auteurs étaient passés peu de temps avant Eisner. D'autre part, notre justicier n'a pas encore intégré certains des codes qui forment les fondations du genre super-héroïque. La base de la base en quelques sortes.
 
Bien qu'il se cache sous un masque pour affronter les malfrats, Le Spirit n'a pas à véritablement parler d'identité secrète. Il a abandonné la vie de Denny Colt quand il est devenu justicier. Jamais son ancienne vie ne vient se mêler à l'actuelle.
 

De même, les menaces qu'il affronte ne sont que rarement fantastiques. Savants fous, gangsters, assassins qui se rendent dès qu'ils sont confondus... Pas le moindre super-vilain dans ce volume, sauf si on considère Octopus, le maître du crime au visage perpétuellement dissimulé comme une super-menace. Le sieur a indubitablement une aura maléfique qui irradie dans les histoires dont il est l'antagoniste principal, mais de là à être un digne ancêtre du Joker ou du Caïd, il ne faut pas abuser. Fait assez drôle : Will Eisner répondra aux nombreux courriers de lecteurs qui demandaient à voir la tête de la némésis du Spirit "Vous pensez que ça me fait plaisir de voir mon héros tabassé toutes les semaines par un individu qui fait tout pour que je ne le dessine pas ?"
 
Et jamais on ne vit autre chose que ces gants...
"Qu'est ce que Le Spirit a donc de si exceptionnel alors ?" me direz-vous. Et bien TOUT. On sent l'influence qu'il a été pour des dizaines, voir des centaines d'auteurs qui sont passés après Eisner. Le héros sombre qui résout des crimes à la demande d'un commissaire aux cheveux blancs qui fume la pipe, ça vous rappelle quelque chose ?
 
Bon... ok... Mais avant Maigret, y'avait le Commissaire Dolan, le digne ancêtre de James Gordon.
 
 
The Spirit est un pont. Un pont qui a relié deux genres littéraires : la bande dessinée enfantine à la Pim Pam Poum et les histoires de justiciers comme le Shadow. Le design des personnages du bravache Agent Sam Klink au jeune Ebony White (qu'on dirait sorti d'une publicité pour Banania ou d'un paquet de biscuits Bamboula, mais c'était la norme à l'époque) fait inévitablement penser à d'autres bande dessinés que ce soit Archie ou Dennis The Menace
 
 
Cependant la mise en page - voir la mise en scène (le terme est adéquat ici) - innove à chaque épisode. Elle alterne les points de vue, les changements de ton et d'ambiance allant de l'humour au conte de fées jusqu'au roman noir. Il lui arrive même de proposer des planches tellement brillantes d'inventivité qu'elles passeraient encore pour révolutionnaires aujourd'hui. J'ai en tête l'épisode où un Spirit momentanément aveugle affronte un voleur et propose des cases noires s'éclaircissant progressivement au fur et à mesure que le héros recouvre la vue. Du grand art !
Paie ta mise en scène !!!

Au dos de la jaquette de ce volume, on peut lire "Vintage and vital". Vintage, l'album l'est surement. Avec ses femmes fatales, ses bandits aux mentons plus proéminent que ceux des frères Bogdanov et ses intrigues plus alambiquées qu'une énigme du Journal de Mickey. Vital, il l'est tout autant. Sa lecture a été pour ma part une révélation. Je ne vous ai parlé que des plus grandes lignes du comics, mais il aurait été tout aussi facile de vous parler d'Ellen Dolan et du protoféminisme ou des caricatures de personnalités de l'époque comme Orson Welles. Un coin d'ombre de l'histoire de mes comics chéris a été levé à sa lecture et je ne peux que vous enjoindre à lire de quelques manières que ce soit ces histoires et de découvrir vous aussi un mythe fondateur.


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